Il n’aura fallu que quelques petites heures pour que le président ukrainien, poussé dans le dos par une Europe faible, cède aux ultimata d’un Donald Trump brutal, qui brise tous les codes diplomatiques depuis son retour aux affaires en janvier dernier. Lundi soir, un haut responsable de la Maison Blanche fait une annonce tonitruante au sujet de l’aide massive que les Etats-Unis apportent à l’Ukraine : « Nous faisons une pause et réexaminons notre aide pour nous assurer qu’elle contribue à la recherche d’une solution ».
Aussitôt dit, aussitôt fait. Parce que, de l’avis du haut responsable américain, « Le président (Trump) a clairement indiqué qu’il se concentrait sur la paix. Nous avons besoin que nos partenaires s’engagent eux aussi à atteindre cet objectif ». Selon des officiels de la Pologne, pays par lequel passent plus de 95% des aides au pays de Zelensky, « Des trains entiers qui étaient chargés à destination de l’Ukraine sont stoppés et interdits de se rendre à leur objectif ».
Pour le chef de l’Etat ukrainien qui ne peut vivre sans l’aide américaine dans cette période de guerre intense contre la Russie, les carottes sont cuites. Plus de temps à perdre. Il faut changer radicalement de discours après le coup de sang dans le bureau ovale vendredi et l’humiliation qui s’en est suivie. Mardi, un tweet de Volodymyr Zelensky. L’ex-culotté guerrier se déculotte et déclare comme rarement vu. Il se met à la disposition et sous le leadership de Donald Trump et propose même un cessez-le-feu.
Dans son texte, l’artiste-comédien, comme s’il était sur des planches, écrit avoir décidé de rectifier son tir du bureau ovale qui ne se serait pas passé comme prévu. Ainsi donc, serait-il prêt à signer le fameux accord-cadre sur les minerais contenus dans les terres rares que convoitent les Etats-Unis pour payer la contre-partie de l’aide apportée à l’Ukraine. En ce qui concerne le champ de bataille, il propose une trêve dans les airs avec interdiction des drones de longue portée, des missiles, des bombes sur les infrastructures civiles et énergétiques. Zelensky annonce aussi ce qu’il appelle « une trêve en mer immédiate, si la Russie fait de même ».
C’est l’annonce de la défaite. C’est la capitulation. Mais elle a la noble ambition de mettre fin à un conflit meurtrier qui n’aurait jamais dû commencer si les uns et les autres avaient su s’écouter. Si, surtout, la partie ukrainienne avait respecté le sens de l’histoire et si ses souffleurs ne l’avaient pas conduite dans le ravin. Car avant le début des années 1990, date de la séparation, Ukrainiens et Russes ont vécu ensemble pendant plus de 400 ans. Cette belle histoire n’aurait pas dû connaître une fin aussi brutale avec la révolution Maïdan ou coup d’Etat de février 2014.
Que va-t-il se passer, maintenant que Kiev s’est placée sous administration de l’Administration Trump ? Les propositions de Zelensky qui ne sont que la copie conforme des desiderata de Whashington et Moscou seront appliquées à la lettre. Et la guerre va s’arrêter au bout de 24h comme l’a dit Trump lors de la campagne électorale américaine. Sa diplomatie de la brutalité et de la force qu’il applique à tous les pays (Canada, Mexique, Panama etc.) continue son extraordinaire chevauchée. Quand il aura fini de mettre le genou de l’Europe par terre, il s’attaquera sans nul doute à la Chine, le point culminant de cette course folle. Et le monde entier découvrira s’il est possible d’aller en guerre et de la gagner contre un géant sans alliés.
Pour l’heure, rendons hommage à ces analystes qui, après la vive altercation au bureau ovale vendredi, ont prévu un retour sous huitaine aux Etats-Unis du même Zelensky pour la signature de l’accord-cadre sur les minerais ukrainiens.
Certains d’entre eux avaient même qualifié le bureau de Trump de « Théâtre des rêves » pour un temps. Les deux acteurs avaient un rêve : mettre fin à la guerre avec les conditions de l’Amérique. Sauf que pour transformer ce rêve en réalité, il fallait, dans une scène théâtrale savamment pensée, faire passer le chef d’Etat ukrainien pour un héros et ensuite le mettre dos au mur afin que son peuple ne l’abandonne pas vis-à-vis du résultat nul auquel il serait parvenu. Et les échanges houleux en direct de deux chefs d’Etat et devant les caméras du monde entier répondaient bien à cette théâtralisation.
Qui a dit qu’être comédien et chef d’Etat ne faisaient pas une bonne combinaison ? La preuve.
Abdoulaye Villard Sanogo