la population dans la rue, le Togo pleure
Le climat social et politique togolais devient explosif. Tout commence avec une série de décisions jugées injustes par la population. En avril 2025, l’Assemblée nationale adopte une réforme constitutionnelle controversée : le président de la République n’est plus élu au suffrage universel direct, mais par les parlementaires. Cette même réforme supprime la limitation des mandats présidentiels, ouvrant la voie à un maintien illimité de Faure Gnassingbé au pouvoir, après vingt ans de règne.
Dans le même temps, les togolais subissent une hausse de 12,5% du prix de l’électricité, annoncée en mai. Une mesure impopulaire dans un pays déjà confronté à des coupures fréquentes et à une qualité de service dégradée. Mohamed Madi Djabakaté, essayiste et acteur politique, tire la sonnette d’alarme : « Les togolais paient cher pour une énergie de mauvaise qualité. Cette hausse va entraîner une inflation de 10 à 15% dans les mois à venir. »
La grogne sociale s’amplifie. Le chômage des jeunes, la précarité des infrastructures, l’état désastreux des routes en pleine saison des pluies bref, la colère est générale.
Du jeudi 26 au samedi 28 juin 2025, des quartiers entiers de Lomé s’embrasent. À l’appel de la société civile et de l’opposition, des centaines de togolais descendent dans la rue. À Bè, Nukafu, Akodésséwa ( quartiers de Lomé) , des barricades de fortune surgissent, des pneus brûlent. Les manifestants, majoritairement jeunes, scandent : « Non à la dictature, non à la vie chère ! » ou encore « Faure dégage ! »
La répression est brutale. Les forces de l’ordre interviennent à coups de matraques et de gaz lacrymogènes. Au moins sept personnes meurent, selon des ONG et des médias étrangers. Des dizaines d’autres sont blessées. Amnesty International évoque des actes de torture, démentis par le gouvernement. Des journalistes sont interpellés, leurs images effacées.
David Dosseh, figure du Front Citoyen Togo Debout, dénonce la violence étatique : « Nous sommes dans un pays où des citoyens ont quand même le droit de sortir, de s’exprimer, et ils n’ont pas à faire face à cette brutalité mise en place par l’État. C’est inacceptable. Nous ne sommes pas des animaux. »
Les autorités, elles, parlent d’actes de provocation. Un communiqué officiel évoque une « campagne de désinformation et de manipulation par intelligence artificielle », accusant des individus de vouloir troubler l’ordre public. Les décès survenus à Akodésséwa et à Bè seraient dus à des noyades, selon les rapports médico-légaux.
Mais la société civile ne lâche pas. Le front « Touche pas à ma constitution » condamne des « arrestations massives et arbitraires », qui témoigneraient d’un pouvoir « aux abois ». Des appels à manifester continuent d’inonder les réseaux sociaux. Des députés refusent de siéger et réclament une session parlementaire d’urgence.
Sur le plan international, les médias comme RFI et France 24 sont suspendus. Le silence s’installe, mais les cris de la rue, eux, persistent.
Pourtant, en parallèle, le gouvernement affiche un autre visage : celui d’un pays en croissance, avec un taux projeté de 6,2% en 2025, le développement de la filière soja, ou encore une diplomatie active dans la région des Grands Lacs.
Mais pour les Togolais descendus dans la rue, une chose est claire : la dignité, la liberté et la justice ne se négocient pas.
Dominique Koba